Direction artistique
André Riot-Sarcey, Nicolas Bernard, Roseline Guinet, Alain Reynaud
L’homme est un nomade. L’homme clown comme les premiers hommes, renoue avec la tradition de l’homme de parcourir le monde à la recherche d’oasis, de pâturages ou de gisements précieux, avide d’autres nourritures, d’autres espaces et d’autres regards. Comme les premiers hommes, le clown transporte avec lui ses outils et ses rêves.
Le chapiteau des Nouveaux Nez est le simple héritage de ce vieil instinct de santé humaine : aller voir ailleurs tout en gardant ses racines. Les Nouveaux Nez sont nés au cirque et pour leurs quinze ans ils retrouvent leur cirque.
Ils sont douze artistes sous cette toile rayée de jaune et de rouge, à tenter de réinventer le vent de l’exploit et du rêve, de l’équilibre et de l’apesanteur, du rythme et de la peur, des cascades et de la musique, sous le chapiteau d’harmonie d’un escargot en couleur.
Car c’est le grand chaos, on tourne en rond, on ne sait d’où ça sort et où ça rentre, si c’est déjà fini… ou à peine commencé…
On vient de voir des garçons de piste, des musiciens, et ils deviennent porteur, voltigeur, funambule, acrobate sur vélo, cascadeur ou magicien d’équilibre… On a pris des femmes de ménage, et elles se mettent à chanter ou à danser… On avait un trampoliniste du bicycle, on se retrouve avec un homme des bois sorti du fond de la préhistoire.
Car ils ont conservé avec eux leurs malles de voyage et leurs couleurs d’enfance.
Ils ne sont plus que trois, comme leurs trois entrées de piste. C’est un trio de clowns solitaires. Ils assurent le tempo, la musique, surveillent tout mais ne contrôlent rien. Ils veulent que leur manège tourne, vive, monte et descende, souffle la fête et frôle la catastrophe…, et essaient de maintenir haut la tension de leur trois mâts dressé soudain en pleine mer circassienne après quinze ans de voyages, terrestres et fabuleux.
Félix Tampon en Auguste Loyal désopilant et désordonné, qui cherche à tout prix à tenir le cap d’un chemin de piste qui tourne fou,
Georges Pétard en serviteur exclusif, en homme-orchestre de l’ombre, en auguste, bête de cirque docile, toujours au bord de sa niche piste entre le rire et le drame,
Madame Françoise en étoile filante et beltégeuse, qui ajoute de la poudre au désordre, de la fumée au vent, des ailes à la voile et du verbe à la tragédie…
Quand ils se retrouvent seuls, à deux ou à trois, dans le cercle rouge de la piste, au bord du naufrage, on est tenté de lâcher les eaux, car grâce à eux on se sent gonflé de vie, comme sur une bouée de sauvetage. Il faut dire que la lumière de cette tour de Babel en colimaçon est alimentée magistralement par les 9 autres artistes qui tels des rois mages apportent ce jour là aux Nouveaux Nez et au public des cadeaux précieux et éclatants, à l’image de ces pierres transparentes d’un lustre d’un autre âge qui descend du ciel de ce chapiteau tout nouveau, et pourtant déjà familier, comme un sapin de Noël. Comme pour nous signifier : « c’est terminé, c’était un spectacle, c’était un cirque, peut-être l’avons-nous rêvé… »
André Riot-Sarcey